En 2019, les revenus mondiaux de la VàDA* ont pour la première fois dépassé ceux des salles de cinéma. Selon le cabinet Strategy Analytics, le chiffre d’affaires des services de vidéo par abonnement a en effet atteint 48 milliards d’euros à l’échelle de la planète, contre 38 milliards de d’euros pour le cinéma sur grand écran (source : OEA**. Les recettes mondiales de la VàDA ont ainsi progressé de +48% en un an, tandis que celles de la salle sont restées quasiment stables (+1%).
Nombreuses sont les études qui montrent donc que l’expansion internationale de la vidéo à la demande par abonnement a commencé bien avant le confinement lié à la pandémie de COVID-19, confinement qui a certes joué un effet accélérateur dans le processus d’adoption massive des services de VàDA. Le rapport SVOD Data Book publié par le cabinet Digital TV Research en août dernier révèle ainsi que le volume mondial des abonnements aux services de vidéo par abonnement a augmenté de +28% en 2019, à plus de 642 millions de comptes (503 millions en 2018)***. Et cette croissance de 139 millions d’abonnements supplémentaires est similaire à celle enregistrée en 2018. Le nombre d’abonnés a quant lui progressé de +16% en 2019, à 403 millions, contre 348 millions en 2018. Ces chiffres signifient qu’en moyenne, un abonné VàDA a payé pour 1,6 offre de streaming vidéo en 2019, contre 1,4 en 2018. Le marché de la VàDA attire donc de plus en plus d’abonnés qui consomment individuellement de plus en plus de services.
À l’image de cette dynamique internationale, la VàDA poursuit sa forte croissance en France, avec un chiffre d’affaires de plus de 800 millions d’euros en 2019, en hausse de +60% en un an. Et s’il ne représente encore que 56% des recettes des salles de cinéma (1,5 milliard d’euros la même année), cette part a gagné 18 points en un an et triplé en deux ans (38% en 2018 et 18% en 2017).
En France comme ailleurs, la crise sanitaire n’aura fait qu’accentuer cette tendance en 2020, avec une fréquentation des salles de cinéma réduite à un niveau historiquement bas et une envolée de la consommation de vidéo par abonnement pendant le confinement.
Jusqu’à présent, la VàDA apparaissait davantage comme une concurrente directe de la télévision payante (mêmes usages, même modèle économique…) que de la salle. Mais le bouleversement des modes de vie et des loisirs engendré par la pandémie de COVID-19 a changé la donne : le confinement a permis une généralisation de la vidéo par abonnement au sein des foyers, créé de nouvelles habitudes de consommation audiovisuelle et favorisé la conversion d’un public jusqu’alors moins acquis à cette pratique (voire pas du tout), notamment les seniors. Sans mentionner les efforts entrepris par les services de VàDA pour séduire les cinéphiles : Netflix – pour ne citer que lui – a par exemple enrichi le volet cinéma de son catalogue de films de patrimoine, grâce à un partenariat avec MK2 annoncé en avril dernier.
Dans une note de juin 2020, l’AFCAE (Association Française des Cinémas Art et Essai) souligne que « la pandémie a amplifié et accéléré la concurrence des plateformes et les changements de comportements de visionnement de films. Les plateformes, une concurrence attrayante (économiquement), addictive et chronophage. »
Face à ce constat, la première chose à espérer pour l’avenir du cinéma est que le public revienne – massivement et rapidement – dans les salles et, pour cela, que des nouveautés porteuses y soient programmées, l’absence de films américains grand public étant le problème majeur des exploitants depuis la réouverture des établissements le 22 juin dernier. Dans l’attente de cette reprise, des mesures d’urgence de grande ampleur ont évidemment et heureusement été mises en place par les pouvoirs publics pour soutenir les exploitants et les aider à surmonter cette période critique, surtout les plus fragiles d’entre eux.
À plus long terme, il faut également espérer que la gestion de cette crise donnera aux professionnels et aux institutions qui les accompagnent l’occasion de repenser et de renforcer le système de soutien à l’exploitation, et plus largement l’écosystème du secteur : sanctuarisation de la fenêtre réservée à la salle dans la chronologie des médias, relations avec les distributeurs et accès aux films, implication des collectivités territoriales, aménagement culturel du territoire, politique d’éducation à l’image, etc.
Côté VàDA, on attend notamment de la prochaine transposition en droit français de la directive européenne SMA (Services de Médias Audiovisuels) qu’elle instaure, pour les services étrangers, des obligations significatives en matière de financement de la production française et européenne et de visibilité des œuvres françaises et européennes dans leurs catalogues.
In fine, il faut souhaiter que les difficultés actuelles produisent sur le secteur de l’exploitation cinématographique l’impact durable que l’on peut espérer de toute crise : une sortie par le haut. Une réaffirmation de la singularité de la salle, des œuvres qui sont projetées et de l’expérience artistique et sociale qui y est partagée.
Sophie Girieud-Fontaine
06.17.31.40.34
* VÀDA : acronyme pour Vidéo À la Demande par Abonnement. On parle aussi de SVOD (pour Subscription Video On Demand).
** La conversion dollar / euro est effectuée sur la base du taux de change moyen entre ces deux devises sur l’année 2019, à savoir : 1 dollar = 0,89 euro (source : fxtop.com).
*** Étude menée sur 815 services dans 138 pays.
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